L’expérience relationnelle : le parfum de la marque

Aurélie Sutter

Directrice Lab Innovation & Consulting

Paroles d’expert

Parce qu’une marque n’est pas seulement un logo déposé, elle doit s’appuyer sur une stratégie relationnelle reflétant la culture et les valeurs de l’entreprise. Réussir à toucher le cœur de ses publics pour les embarquer derrière soi, c’est ce qui constitue pour moi la genèse du projet de Lab Innovation que nous venons de lancer chez BlueLink.

« Faire marque »

Disposer d’un nom et d’un logo ne signifie pas détenir une marque, au sens outil de création de valeur. Pour émerger et sortir réellement du lot parmi la myriade de noms commerciaux déposés à travers le monde, il faut pourtant envisager la marque en tant que tel. Prendre des risques, créer ses propres codes, tracer un autre chemin. « Faire marque » en transgressant la norme établie. Pour finalement embarquer derrière soi.

L’évolution des marques a cela de fascinant qu’elle est le reflet d’une époque. Antoine Haincourt, consultant en stratégie de marque, l’explique très bien. J’ai eu la chance de pouvoir assister à l’un de ses cours et je me permets de reprendre ici quelques exemples.

Symbole de propriété au temps des Romains (en cas de vin empoisonné, il fallait être en mesure de retrouver le propriétaire du domaine viticole !), la marque est considérée comme un label de qualité au début du marketing moderne (« c’est une bonne marque, nous pouvons lui faire confiance »).

La marque devient ensuite promesse de plaisir. Elle dépasse la notion de fonctionnalité produit pour aller vers des dimensions plus intangibles : je ne bois pas un Coca-Cola pour me désaltérer mais pour me faire plaisir. A partir des années 80, la marque commence à vendre le sentiment d’appartenance à une communauté : Quicksilver s’adresse à la communauté des surfers mais également à tous ceux qui adhèrent à l’imaginaire de la marque, autour des notions de puissance, de fête, de nature…

Le sens des marques va radicalement changer dans les années 2000, avec l’arrivée des réseaux sociaux. Les consommateurs prennent la parole, la logique de communication s’inverse, et tous les phénomènes précédemment cités vont désormais cohabiter. Dans les années 2010, on assiste à l’arrivée des plateformes de mise en relation, comme YouTube ou Airbnb. Ces marques ne promettent rien, si ce n’est le fait de pouvoir échanger, se rencontrer, louer, troquer, partager… En d’autres termes, elles nous promettent la capacité à agir.

La notion de marque a et va continuer d’évoluer. Pour une entreprise, c’est une projection du futur, une définition de ce qui anime une communauté de clients. La marque porte en elle le grand projet fédérateur de l’entreprise, sa vision et sa raison d’être ; elle est capable d’embarquer tout un écosystème d’individus dans son sillon. C’est une culture, des codes et des valeurs qui font sens. Qui mettent en mouvement.

La marque expérience

Au-delà du produit ou du service proposé, ce qui compte aujourd’hui c’est l’expérience qu’une marque fait vivre à ses publics. Entre les messages envoyés par une entreprise (à travers la publicité, le marketing ciblé, les médias), la réalité de ce que vivent les clients, et les messages qu’ils partagent eux-mêmes avec leurs communautés, les distorsions sont parfois importantes. Et pourtant, toutes ces dimensions doivent être en cohérence pour qu’une expérience de marque puisse avoir du sens.

Pour enrichir l’expérience client, les marques misent notamment sur le digital (qui permet de répondre à un besoin de mobilité et de connexion permanente) et l’exploitation des données (pour des services ultra-personnalisés), mais aussi sur la réinvention du point de vente. On peut citer Canada Goose qui a lancé le concept de chambre froide en magasin, pour permettre aux clients de tester une veste par -25°, ou encore Timberland qui a fait entrer, fin 2018, la pluie et la neige dans son pop-up store de la 5e Avenue pour permettre aux clients de tester les chaussures de la marque en situation quasi réelle.

Transformation digitale et réinvention des points de vente « physiques » : le phygital promet une expérience de marque incomparable.

L’expérience relationnelle, souvenir d’une émotion

Divertissement et promesse de plaisir peuvent permettre de booster les ventes sur une période donnée, mais pour ne pas tomber dans la surenchère événementielle et le piège de devoir toujours faire « plus » (plus fort, plus grand, plus waouh), toutes ces initiatives doivent s’inscrire dans une démarche à long-terme, ayant pour but de construire pas à pas une marque forte et cohérente pour ses publics.

Depuis 12 ans que je travaille dans le secteur de la Relation Client, je suis convaincue que ce qui permet à une marque de gagner la confiance de ses publics et de perdurer quels que soient les aléas, c’est le soin accordé à la Relation à l’autre. Chaque voyage, chaque achat important, chaque pas en dehors de sa zone de confort s’accompagne de doutes, d’imprévus, et donc d’un besoin absolu d’être pris en charge, rassuré, épaulé. Quel que soit le canal de communication, quand le client sent qu’une personne est à l’écoute et portée par le sens du service, cela va générer en lui des émotions qui vont prendre une place majeure dans son souvenir de l’instant.

Je crois en l’expérience relationnelle, comme un parfum intangible ou une empreinte mémorable, qui se ressent, s’expérimente, s’inscrivant ainsi dans la vie et dans la mémoire des clients. Un peu comme une madeleine de Proust…

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